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Climato scepticisme, pauvreté énergétique ou question de souveraineté, les africains, dans leur majorité, sont réticents à l’idée d’une transition énergétique qui les empêcherait d’exploiter comme ils l’entendent « leurs » ressources fossiles pour se développer, comme d’autres l’ont fait dans le passé et continuent de le faire.
À l’image du ministre sud-soudanais du Pétrole qui a déclaré récemment que l’Afrique est en train d’opérer une transition « à partir de rien » et que le continent a besoin d’une énergie fiable d’où qu’elle vienne, plusieurs voix s’élèvent au plus haut sommet de la sphère politique africaine pour dénoncer une « transition à marche forcée ».
Pourquoi alors cette résistance à ce qui est présenté comme une étape indispensable pour limiter le réchauffement climatique et éviter ses conséquences irréversibles ? étonnant quand on sait – les scientifiques l’affirment – que le continent est la région la plus vulnérable aux effets du changement climatique et que neuf des dix pays les plus vulnérables aux perturbations climatiques se trouvent en Afrique. Encore plus étonnant quand on sait – ce sont encore les scientifiques qui le disent – que le continent dispose d’importantes ressources renouvelables à même de soutenir sa transition et de répondre suffisamment à ses besoins énergétiques.
À y regarder de plus près, plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque d’enthousiasme de la plupart des Africains et de leurs dirigeants par rapport à l’abandon des énergies fossiles au bénéfice des énergies propres au nom de la survie de la planète.
Pas de sentiment de culpabilité ou de redevabilité
Depuis 1751 et la révolution industrielle, le monde aurait émis plus de 1,5 trillion de tonnes de CO2. Les émissions africaines représentent environ 3 % de ce total, soient 43 milliards de tonnes sur plus de 260 années. Si nous enlevons l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Algérie, le Nigéria et le Maroc, la contribution de l’ensemble des autres pays aux émissions de CO2 sur la même période s’élèverait à moins de 0,5 % des émissions mondiales.
Partant du principe que les émissions à grande échelle de gaz à effet de serre symbolisent la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique, nous pouvons facilement déduire que l’Afrique n’est en rien responsable du changement climatique. Et c’est précisément ce que pensent les Africains. Ils considèrent qu’ils n’ont aucune responsabilité historique ou contemporaine, puisque les émissions sont toujours aussi faibles en pourcentage.
Ces faibles émissions s’expliquent par le fait que le continent ne représente qu’une petite part de la consommation mondiale des énergies fossiles. En 2021, l’Afrique a représenté seulement 4,2 % de la consommation mondiale du pétrole, 4,1 % de la consommation mondiale de gaz naturel et 2,6 % de la consommation mondiale du charbon, selon le Statistical Review of World Energy 2022.
La réalité d’un déficit énergétique permanent
Selon un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie et de la Banque Mondiale, environ 567 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’avaient pas accès à l’électricité en 2021, ce qui représente plus de 80 % de la population mondiale dépourvue d’accès. Le rapport indique également que le manque d’accès dans la Région est resté presque identique à la situation observée en 2010, alors qu’au cours de la même période plus d’un milliard de personnes ont eu accès à l’électricité à travers le monde.
Cette situation constitue indéniablement un frein pour le développement économique des pays, à l’image d’une nation comme le Nigéria, où environ 90 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité et qui n’arrive toujours pas a pleinement exploité son potentiel démographique faute d’énergie.
Dans ce contexte, dire à l’Afrique qui détient environ 8 % des réserves de pétrole et un peu moins de 9 % des réserves de gaz naturel qu’il faut se passer de ses ressources, peut légitiment provoquer un sentiment d’injustice. Surtout quand les Africains constatent que les « donneurs de leçons » ont récemment augmenté leur demande en énergie fossile quand ils ont été confrontés à une crise énergétique.
Un financement qui n’arrive pas malgré les promesses
On a beau rappeler dans les forums et les différents rapports que l’Afrique a un extraordinaire potentiel renouvelable pour assurer sa transition énergétique, le financement pour développer ce potentiel n’est toujours pas à la hauteur.
La somme cumulée des investissements dans les énergies renouvelables en Afrique au cours des deux dernières décennies ne représente que 2 % du financement mondial. Les investissements dans les énergies propres en Afrique restent également concentrés sur quelques marchés clés.
Par ailleurs, quand les investissements arrivent enfin, c’est souvent pour financer des projets d’énergies renouvelables destinés à l’exportation vers d’autres marchés non africains, à l’image de l’hydrogène vert.
Toutes ces raisons expliquent un peu la position de plus en plus assumée qui consiste à dire non à une transition imposée pour satisfaire un agenda qui n’est pas le nôtre et qui ne prend pas en considération nos réalités.
Article initialement publié dans Agence Ecofin
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